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Un début prometteur, entre cinéma et littérature

30 septembre 2015

Un début prometteur, mais qu’est-ce qu’un début prometteur ? Telle est la question !
Si vous ne le savez vraiment pas, je pense avoir la réponse pour vous, il est dans le film d’Emma Luchini.

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En salle le 30 septembre, le film parle de Martin, désabusé pour avoir trop aimé et trop vécu, qui retourne chez son père, un horticulteur romantique en fin de course. Il y retrouve Gabriel, son jeune frère de 16 ans, exalté et idéaliste, qu’il va tenter de dégoûter de l’amour, sans relâche. Mais c’est sans compter Mathilde, jeune femme flamboyante et joueuse, qui va bousculer tous leurs repères…

Une histoire dans l’histoire
Ce film est tiré du livre Un début prometteur de Nicolas Rey. Et là, vous vous dites, mais pourquoi ce film ? Ce choix est très simple, Emma Luchini souhaitait adapter un bouquin de l’auteur, au départ elle était partie sur un autre ouvrage quand elle lui a dit, Nicolas lui a répondu « Attends, mais ce n’est pas celui-ci que tu dois choisir, mais Un début prometteur », elle l’a écouté et c’est ainsi qu’ils se sont mis à travailler sur l’adaptation. Ce projet a mis quelques années pour naitre physiquement sur grand écran, mais c’est un très beau bébé !

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Maintenant, vous connaissant un peu, vous allez aussi me dire « ma cocotte, Gaumont se sont un peu tes potes, tu racontes ça parce que tu les aimes bien » et je vous répondrais le plus posément du monde « les mecs, je suis au bord de la crise cardiaque à force de ne plus avoir le temps de dormir, tu crois que je perdrais du temps à détailler tout cela alors que j’aurais pu juste poster le pitch du film avec une bande-annonce pour dormir une heure de plus ? SÉRIEUSEMENT ? ».

J’ai aimé ce film… Vous voyez, je vais même être encore plus honnête, je l’ai vu une première fois, je suis complètement passée à côté, la seconde fois, j’ai été embarquée dans l’histoire qui m’a dévorée. Après la seconde projo, j’ai lu le livre de Nicolas Rey, ça a mangé une partie de ma nuit, mais ça valait le coup et au lendemain de ma soirée ciné/nuit littérature, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec la réalisatrice et l’auteur.

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D’ailleurs, je préfère vous prévenir, si vous avez lu le livre, ne vous attendez pas à retrouver celui-ci sur grand écran, le travail est allé au de la de la simple adaptation, on est vraiment dans l’interprétation, une interprétation des personnages, une interprétation des émotions, une interprétions des ressentis de la vie.

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Lors de ces différents échanges, je me suis permis de demander à Nicolas Rey s’il n’avait pas été trop blessé, voire vexé, de tous ces changements apportés par Emma et là j’ai admiré sa réponse « si elle avait tout calqué à l’écran, ça aurait été mauvais, il n’y a rien de pire que quand on veut rester fidèle à un livre ». Ce fut la réponse d’un vrai artiste, d’un amoureux de l’art, de l’histoire, de l’émotion suscitée chez le lecteur, chez le spectateur.

Des personnages tout en profondeur
Revenons d’ailleurs sur les personnages, le principal est donc Martin, un homme paumé, triste, alcoolique, drogué. Au cours des différentes rencontres, on comprendra aisément que Martin n’est pas sans rappeler Nicolas Rey. Puis, j’apprendrai pendant le déjeuner que l’auteur a griffonné ce personnage alors qu’il n’avait même pas l’âge de celui-ci, en homme inconscient, il savait précisément ce que ce serait son destin puisque le futur lui donnera raison. Nicolas Rey, dégage une énorme force à travers ses faiblesses. Oui, on approche de l’idéal de l’artiste torturé, mais fascinant.

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À l’écran, il est joué par Manu Payet qui survole l’exercice tellement son jeu est juste et précis. Nicolas Rey expliquera que « Manu [l’]a regardé et il a compris le personnage ». Emma Luchini souhaitait qu’il trouve son Martin en lui et le moins que l’on puisse dire c’est que la mission est réussie, au-delà de la dizaine de kilos pris pour le rôle, Manu Payet est un excellent acteur qui ne perd pas la magie qu’il a dans l’oeil.

À l’inverse de Martin, Henry, le personnage écrit par Nicolas Rey deviendra Gabriel dans les yeux de la réalisatrice, et celui-ci sera complètement repensé contrairement à son frère ainé.
Cette métamorphose sera guidée par plusieurs raisons. La première se situe donc dans le choix du prénom, Emma Luchini considérait que celui initialement choisi par l’auteur ne sonnait pas suffisamment « ado ». Le second point est que le petit frère devait apporter « l’énergie de la jeunesse » au film. À l’écrit le jeu de miroir fonctionne, mais à jouer tout cela trop confusant. Emma confiera que selon elle « les deux frères étaient trop proches, cela ne fonctionne qu’en littérature ». Gabriel/Henry est joué par le jeune Zacharie Chasseriaud qui est plein de promesses et de fraicheur.

copyright Nicolas Schul

Aux côtés de ce duo fraternel, il y a le père, Fabrice Luchini, le papa de la réalisatrice. Après les différentes rencontres, on comprend rapidement que ce lien de parenté n’a eu que peu d’incidences dans leur rapport et surtout dans le choix de l’intégrer au casting. Fabrice Luchini est l’incarnation de cette figure paternelle complètement perchée et ça apporte une touche fraîche (et fleurie).

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Enfin, il y a Veerle Baetens , époustouflante de beauté, de profondeur, de magie féminine. Son nom vous dit peut-être quelque chose, elle a joué l’un des rôles principaux du film Alabama Monroe.
Je vais être sincère, je crois être tombée amoureuse de cette Mathilde portée par cette comédienne flamande.

copyright Nicolas Schul copyright Nicolas Schul
Certes, les jolies robes qu’elle porte y sont pour beaucoup, mais elle est rayonnante de féminité. Pour ne rien gâcher à cette troublante perfection imparfaite, Veerle Baetens chante très bien et la réalisatrice lui a d’ailleurs offert une scène musicale :

Autour de ces personnages forts, le film en lui-même laisse le temps à ces différents personnages de s’exprimer. Il y a eu un parti pris de faire des scènes un peu plus longues que la moyenne, mais pour autant on ne s’ennuie pas, nous ne sommes pas dans une contemplation barbante. Les scènes sont belles, bien jouées et peu narratives, ce qui est étonnant quand on tire son film d’un livre.
Petite parenthèse en parlant de beauté, pour les fans d’impressionnisme, vous devez aller voir ce film rien que pour la scène de nuit dans les jardins de Giverny, terre promise du peintre Monnet.
Cette scène est complètement magique et l’équipe du film confiera timidement que les responsables du lieu n’accordent que très peu d’autorisations de tournage. J’admets ressentir une petite pointe de jalousie.

copyright Nicolas Schul

À travers Un début prometteur, on prend une leçon de cinéma et de littérature, on prend de la hauteur sur les mots, sur les hommes… Sur leurs maux. Emma Luchini a eu des mots très justes en parlant de « l’élégance du désespoir ». Cette formule sera d’ailleurs reprise par les gens qui étaient présents puisqu’elle correspond parfaitement à ce qui émane des personnages et de l’histoire. « Martin est con, mais il est très humain » expliquera-t-elle lors du déjeuner et au fond ça nous renvoie à notre propre humanité, « même s’il ne croit plus en rien, il garde une distance saine ».

Si l’histoire ressentie à travers ces quelques lignes semble triste, attendez-vous à voir une comédie où on rit, mais une comédie dramatique tout de même. Au fond, ce film pose tas de questions comme celle de la fuite et une seconde « peut-on reprendre gout à la vie grâce à une femme », quand on sait qu’Emma Luchini était amoureuse du livre, on peut aisément répondre par la positive. Je pourrais vous raconter la fin du film, mais mon interprétation ne serait pas la même que ma voisine, parce que la magie du film est de conserver cette force littéraire, l’interprétation.
Je cèderai la parole à Nicolas Rey pour conclure cet article « ce film est une suite de gestes réussis » tout en repensant au superbe regard que porte Emma Luchini sur l’auteur.

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2 Commentaires

  • Répondre Valentine Pumpkins 1 octobre 2015 à 16 h 46 min

    C’est vrai que je ne me serai pas arrêter dessus en temps normal mais tu en parles très bien et du coup, ça donne envie de s’y attarder…

    • Répondre lafilledelacom 1 octobre 2015 à 17 h 04 min

      Merci 🙂
      Et oui, il faut aller le voir

    Répondre à lafilledelacom Annuler la réponse